ALIX ASSOCIÉS

Vices apparents : le délai de dénonciation n’est pas enfermé dans le délai d’un mois !

Pour le format « Paroles d’experts » de Décideurs Magazine, Marie Pierre Alix, avocate associée, fondatrice du cabinet ALIX ASSOCIÉS, Margaux Beurey, avocate counsel, et Anne Renaux, avocate décryptent une décision récente de la Cour de Cassation en matière de vices apparents. 

Maîtres d’ouvrage vendeurs en l’état futur d’achèvement, attention à la fin de l’opération ! Celle-ci donne  lieu à deux étapes clés : la réception et la livraison, dont les dates doivent idéalement coïncider, ce qui n’est pas toujours le cas. De ce fait, il convient d’être particulièrement vigilant sur les délais de recours de l’acquéreur contre son vendeur et du vendeur contre les entreprises, surtout lors de la première année. 

Dans un arrêt du 13 février 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle, au double visa des articles 1642-1, alinéa 1er, et 1648, alinéa 2, du Code civil, les principes essentiels suivants :

– d’une part, le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents ;

– d’autre part, l’action de l’acquéreur doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.

En l’espèce, se plaignant d’un retard de livraison, et afin de faire fixer la date d’achèvement de l’ouvrage, l’acquéreur a saisi le juge des référés aux fins de désigna tion d’un expert judiciaire. 86 Ce magistrat a fait droit à cette demande et désigné par ordonnance de référé du 10 avril 2017 un expert judiciaire, lequel a déposé son rapport définitif le 13 juillet 2018.

Le délai d’action de l’article 1242-1 du code civil s’applique pour les vices dénoncés postérieurement au délai d’un mois après la livraison.

Par exploit introductif d’instance du 26 octobre 2018, l’acquéreur a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux de demandes indemnitaires formées contre son vendeur, au titre notamment de pénalités de retard.Le tribunal judiciaire de Bordeaux a rendu un jugement le 25 septembre 2019, aux termes duquel il a, notamment, fixé la date d’achèvement des travaux au 17 mars 2018, et condamné le vendeur au titre des pénalités contractuelles de retard.

Ce dernier a relevé appel de cette décision. L’acquéreur a reconventionnellement solli cité de cette juridiction qu’elle condamne le vendeur à lui régler le coût des travaux de parachèvement et de reprise des désordres listés par l’expert judiciaire. Aux termes d’un arrêt rendu le 27 avril 2023 (CA Bordeaux, 2e ch. civ. 27 avr. 2023, RG n° 20/00805), la Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu’il a fixé la date d’achèvement de l’immeuble au 16 mars 2018, et a condamné le vendeur au paiement de pénalités de retard.

La Cour a également retenu que les travaux de reprise retenus par l’expert judiciaire portaient sur des finitions non substantielles, lesquelles auraient dû figurer sur les réserves du procès-verbal de réception de l’immeuble. Ce faisant, la Cour a fait une erreur, puisque l’acquéreur ne signe par le procès-verbal de réception mais uniquement le procès verbal de livraison. La troisième chambre civile de la Cour de cassation a tout d’abord confirmé l’arrêt rendu par les juges du fond, en ce qu’il a retenu la date du 16 mai 2018 comme étant celle de l’achèvement de l’ouvrage.

De manière attendue, la Cour de cas sation a ensuite cassé cet arrêt en ce qu’elle a rejeté la demande formée par l’acquéreur en paiement de la somme de 16 548 euros, au titre de travaux de parachèvement et de reprise des désordres listés par l’expert judiciaire. Pour ce faire, la Cour de cassation a rappelé de nouveau que « l’acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de l’expiration du délai d’un mois après la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l’action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l’écoulement de ce délai d’un mois ».

En ayant assigné le 26 octobre 2018, à la suite d’un achèvement au 17 mars 2018, l’acquéreur a en effet respecté son délai d’action et de dénonciation d’un an et un mois après la livraison ou d’un an à compter de la réception. Quant à lui, le vendeur avait-il assigné les entreprises sur le fondement de la garantie de parfait achèvement avant la fin de la première année suivant la réception ?

À défaut, il ne disposait plus de recours en garantie sur ce fondement. Il importe donc que les délais de recours de l’acquéreur contre son vendeur et du vendeur contre les entreprises soient bien maîtrisés, notamment par les vendeurs en VEFA, surtout dans la première année.

LES POINTS CLÉS

 

    • Ne pas confondre la réception et la livraison : il convient d’être particulièrement vigilant sur les délais de recours.

    • La portée de l’article 1642-1 du Code civil : Le délai d’action de l’article 1642-1 du Code civil s’applique pour les vices dénoncés postérieurement au délai d’un mois après la livraison.

    • Confirmation de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

 

Marie-Pierre Alix, Margaux Beurey, Anne Renaux