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L’obligation des constructeurs à une réparation des désordres :  intégrale et indépendante du périmètre de leurs marchés de travaux

Cass. 3e Civ. 21 novembre 2024, n°23-13.989

Au visa de l’article 1792 du Code civil, la Troisième Chambre Civile de la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt rendu le 21 novembre 2024, le principe selon lequel « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination » (Cass. 3e Civ. 21 novembre 2024, n°23-13.989).

La Cour retient qu’en application de ce principe « le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime. Il en résulte que le constructeur, dont la responsabilité décennale a été retenue dans la survenance des désordres, doit réparer intégralement le préjudice imputable à son intervention ».

En l’espèce, suivant contrat du 7 juin 2003, un couple avait confié la conception et la construction de sa maison individuelle à un constructeur.

Cette maison a été réceptionnée le 27 juillet 2004, avant d’être vendue à un couple d’acquéreurs, aux termes d’un acte authentique régularisé le 5 juillet 2012.

Invoquant la présence d’infiltrations d’eau dans le sous-sol de la maison, ces derniers ont diligenté une expertise judiciaire, puis ont assigné en ouverture de rapport, les vendeurs, le constructeur, les entreprises ayant réalisé les travaux, leurs assureurs et l’assureur dommages ouvrage en indemnisation de leurs préjudices.

Aux termes d’un arrêt rendu le 8 mars 2023 (RG n°50/2023), la Cour d’appel de PARIS a, notamment, limité le montant de l’indemnisation sollicitée par les propriétaires à la réparation de la seule zone sur laquelle l’entreprise était intervenue.

Les juges du fond ont tout d’abord constaté que la responsabilité décennale de l’entreprise était engagée au titre des désordres d’infiltrations au sous-sol, et relevé que la réparation intégrale du préjudice résultant de ces désordres imposait la mise en place d’un système de drainage sous le dallage, associé à une remise en état du drainage périphérique, la mise en place de remblais de comblement et un traitement des remontées capillaires des murs.

Les juges du fond ont ensuite considéré que l’intervention de l’entreprise était limitée à la seule réalisation du drainage périphérique, et en ont déduit que celle-ci ne pouvait être tenue qu’au paiement des travaux de reprise directement en lien avec l’objet de son marché, et qu’au regard de la nature de ces travaux, la souscription d’une assurance dommages-ouvrage et les honoraires d’un bureau d’études et d’un maître d’œuvre n’étaient pas nécessaires.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt rendu par les juges du fond, en retenant que ces derniers n’avaient pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations.

Aux termes de cet arrêt, la Cour rappelle le principe bien connu de la réparation intégrale, lequel implique que chaque entreprise ayant participé à la réalisation d’un désordre peut être condamnée à financer l’intégralité des travaux de réparation, sans préjudice pour cette dernière d’obtenir la garantie des co responsables.

La Troisième Chambre Civile renvoie cette affaire devant la Cour d’appel de PARIS autrement composée : affaire à suivre…

Anne RENAUX et Marie-Pierre ALIX