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Le décompte de liquidation et sa contestation

Dans le dernier numéro de la Revue des Collectivités Locales, Marie-Pierre Alix décrypte les enjeux juridiques liés à la contestation du décompte de liquidation en marchés publics de travaux.

Lorsque survient la fin d’une opération immobilière, s’ouvre la période souvent complexe de l’établissement des décomptes qui clôture financièrement la relation contractuelle existant entre le maître de l’ouvrage et l’entreprise de travaux.

Cette étape est régie par les dispositions du CCAG Travaux applicable et du CCAP, auxquelles il convient naturellement de se reporter.

Le chemin est semé d’embûches notamment dans l’hypothèse où le décompte survient après une décision de résiliation du marché.

Dans ce cas, il est stipulé à l’article 47.2.3 et à l’article 51.2.3 du CCAG que sauf cas particulier de la résiliation aux frais et risques du titulaire, le maître de l’ouvrage dispose d’un délai de 2 mois suivant la date de signature du procès-verbal prévu à l’article 47.1.1 du CCAG (lequel emporte réception des ouvrages et parties d’ouvrages exécutés) pour notifier à l’entreprise le décompte de résiliation Intitulé alors « décompte de liquidation ».

Si ce délai n’est pas respecté, l’entreprise peut mettre le maître de l’ouvrage en demeure d’établir ce décompte et à défaut de réponse dans les 30 jours l’entreprise peut saisir le Tribunal Administratif.

Toutefois, si le maître de l’ouvrage notifie le décompte de résiliation au-delà de ce délai de 2 mois, il est admis que ce décompte de résiliation produira alors tous ses effets qu’il ait été notifié après une mise en demeure du titulaire ou pas (Conseil d’État 27 janvier 2023 46 41 49 Centre Hospitalier Louis-Daniel Beauperthuy)

L’entreprise de travaux doit donc être vigilante puisque ce décompte de résiliation lui ouvre un délai de 45 jours (CCAG de 2009) ou 30 jours (CCAG de 2014 et 2021) pour réagir.

Autrement dit, soit l’entreprise signe ce décompte de résiliation avec ou sans réserve, soit l’entreprise ne réagit pas dans ce délai et elle sera considérée comme ayant accepté tacitement ledit décompte.

Dans un tel cas, toute contestation de l’entreprise sera impossible même par voie d’expertise judiciaire.

Le fait d’avoir formé des réclamations avant la notification du décompte est également sans effet. (Tribunal Administratif de Rouen 21 mars 2025 n° 2302806).

En revanche, si l’entreprise entend contester le décompte de liquidation, elle doit le faire par l’envoi d’un mémoire en réclamation rédigé de manière précise quant aux postes qu’elle conteste, aux montants qu’elle réclame au lieu et place de ceux proposés par le maître de l’ouvrage et quant aux raisons de ces contestations.

L’entreprise doit être particulièrement précautionneuse à ce stade et ne pas se contenter de se référer à des courriers antérieurs qu’elle aurait transmis au maître de l’ouvrage.

Il a également été jugé que le fait pour l’entreprise de formuler « les plus expresses réserves » sur le décompte qui lui a été notifié est insuffisant (Cour Administrative d’Appel de Toulouse 19 novembre 2024 22 TL 21 726).

Enfin, l’envoi du Mémoire de réclamation à l’avocat du Maitre d’Ouvrage n’est pas valable, même si des échanges de courriers entre avocats avaient déjà eu lieu. (Tribunal Administratif de Bordeaux 4 février 2025 n° 2203428). Le mémoire doit, en effet, être adressé au représentant du pouvoir adjudicateur avec copie au Maitre d’œuvre.

L’étape de contestation du décompte de liquidation est donc plus que délicate et mérite la plus grande attention.

Marie-Pierre Alix