Aux termes d’un arrêt rendu le 3 avril dernier et publié au Bulletin, la Troisième Chambre Civile de la Cour de cassation a retenu qu’il résulte des articles L.242-1, alinéas 3 et 4, et A. 243-1 du Code des assurances que l’assureur DO qui a accepté, dans le délai de soixante jours, la mise en jeu de la garantie, ne peut plus contester celle-ci et est tenu de verser à l’assuré le complément d’indemnisation nécessaire pour financer les travaux propres à remédier aux dommages déclarés (Cass. 3e Civ. 3 avril 2025, n°23-16.055).
En l’espèce, selon marché de travaux du 1er mars 2022, des maîtres d’ouvrage ont confié des travaux de construction à une entreprise. Ces derniers ont déclaré plusieurs désordres apparus après réception, auprès de leur assureur dommages-ouvrage, lequel a, soit refusé leur prise en charge, soit proposé des indemnisations insuffisantes.
Dans ces conditions, les maîtres d’ouvrage ont saisi le Juge des référés, lequel a désigné un expert judiciaire par ordonnance du 28 mai 2013. Dans l’attente du dépôt de son rapport, les maîtres d’ouvrage ont initié une action aux fins d’indemnisation devant le Juge du fond.
Aux termes d’un arrêt rendu le 17 novembre 2022, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté la demande d’indemnisation formulée par les maîtres d’ouvrage au titre de deux désordres, et a déclaré irrecevable leur demande d’indemnisation au titre d’un troisième. Pour ce faire, les Juges du fond ont retenu que les deux premiers désordres ne relevaient pas de la garantie décennale, et que s’agissant du dernier, le constructeur avait été condamné sur le fondement de la responsabilité contractuelle au paiement des travaux de reprise de ce désordre réservé à la réception.
Aux termes d’un arrêt rendu le 3 avril dernier, la Cour de cassation, de manière particulièrement pédagogique, rappelle que « l’assureur dispose d’un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration de sinistre, pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la garantie. Lorsqu’il accepte la mise en jeu de celle-ci, il présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d’indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. (…) l’assuré, qui n’acquiesce pas aux propositions de règlement qui lui ont été faites et qui estime ne pas devoir différer l’exécution des travaux de réparation, reçoit sur sa demande, de l’assureur, sans préjudice des décisions éventuelles de justice à intervenir sur le fond, une avance au moins égale aux trois quarts du montant de l’indemnité qui lui a été notifié ».
La Haute Juridiction précise qu’ « Il en résulte, d’une part, que l’assureur, qui a accepté, dans le délai de soixante jours, la mise en jeu de la garantie, ne pleut plus contester celle-ci en raison du caractère non décennal des désordres, d’autre part, qu’il est tenu, le cas échéant, de verser à l’assuré le complément d’indemnisation nécessaire pour financer les travaux propres à remédier aux dommages déclarés », et retient que « après avoir constaté que l’assureur dommages-ouvrage avait, dans le délai de soixante jours, accepté la mise en jeu de la garantie à raison de ces trois désordres, de sorte que, ne pouvant plus contester le principe de celle-ci, il était tenu de financer les travaux propres à y remédier, la cour d’appel a violé les textes susvisés [articles L.242-1, alinéas 3 et 4, et A. 243-1 du Code des assurances] ».
Ainsi, l’assureur dommages-ouvrage ayant accepté de mobiliser sa garantie au regard de trois désordres litigieux, il ne pouvait plus la contester, en invoquant le caractère non décennal du désordre ou qu’il avait été réservé à la réception.
Aux termes d’un arrêt rendu le 17 février 2015 au visa de l’article L.242-1, du Code des assurances, la Cour de cassation avait déjà tenu cette position (Cass. 3e Civ. 17 fév. 2015, n°13-20.199). L’arrêt rendu le 3 avril dernier s’inscrit manifestement dans cette lignée.
En déniant à l’assureur dommages ouvrage la possibilité de se rétracter, pour les désordres objets de réserves qui entrent dans le champ de sa garantie, la Cour de cassation fait preuve de cohérence, sachant que le principe même de l’assurance dommages-ouvrage repose sur une logique visant à contraindre l’assureur à se positionner dans le respect des délais légaux qui lui sont fixés.
Marie-Pierre Alix